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  • Photo du rédacteurNathan Brouard

Le coureur de Courmayeur

Dernière mise à jour : 28 nov. 2022

La course d’une vie


Après de nombreux articles sur le cyclisme, je souhaite vous partager un article dans l’univers du Trail. Depuis plusieurs années, le phénomène de l’ultra trail est né et s’est démocratisé jusqu’à devenir aujourd’hui l’épreuve reine de la course en montagne. Sous la houlette de François d’Haene ou Kilian Jornet entre autres, ces protagonistes, on sut faire développer leur discipline, la faire connaître et partager. Leur renommée et leur amour pour ce sport ont mis en lumière des épreuves d’ultra endurances, iconiques comme l’UTMB, la diagonale des Fous et plein d’autres. Aujourd’hui, je voulais vous présenter l’un d’eux, le Grand Trail de Courmayeur. Un ultra trail de 105 kilomètres dans les rudes montagnes alpestres. Avec pas moins de 6 500 mètres de dénivelés positif, cette épreuve figure dans la liste des plus dures ultra trails sur le territoire français. Plus qu’une simple course, un parcours de vie. Chaque coureur qui se lance ce défi fou se retrouve confronté à lui-même, seul, dans la nature, ses doutes, ses souffrances, pour atteindre le Graal, sa victoire, son objectif de vie. Outre l’élite cherchant à améliorer leur temps chaque année, certains n’ont qu’un souhait, atteindre la ligne d’arrivée. Parmi ces athlètes, se trouve un homme, mon père. Ce 13 juillet 2019, il s’est lancé dans cette fabuleuse aventure, le défi de sa vie.



Un projet préparé et étudié


Tout commença à l’arrivée de son premier trail long, le 90 kilomètres de la vallée des Lacs à Gérardmer, réussit dans la douleur en juin 2018. Tombé littéralement amoureux de l’ultra trail, Erwin était déterminé à évoluer et faire tomber la barre symbolique des cent kilomètres et devenir à jamais non pas traileur, mais ultra-traileur. Après maintes réflexions, hésitations, il opta pour le GTC, niché dans les hauteurs de Courmayeur. L’inscription validée, l’esprit surexcité, l’engrenage était actionné. Comme à son accoutumée, il organisa un programme d’entraînement des plus minutieux et ambitieux. Rien n’était laissé au hasard, séance de fractionnée, endurance, récupération et randonnées. Durant plus cinq mois, Erwin s’était mis dans la peau de Kilian Jornet, une seule pensée en tête, arriver au bout de cette fabuleuse quête. Les semaines s’enchaînaient et l’envie de démarrer s’amplifiait. Même si des doutes et des peurs pouvaient se manifestaient, l’envie de briller triomphait. Plus de quatre mois de dur labeur, de longues sorties d’entraînement, de dépassement, un plan alimentaire adapté et équilibré. Tous les voyants étaient au vert, plus qu’à patienter, à espérer, à rêver.


Une avant course stressante et excitante


Nous étions à deux jours du grand départ, il était temps pour Erwin de mettre au point tout son matériel dont il aura besoin tout au long de la course. Cette étape de la course est primordiale, l’oubli d’un élément obligatoire comme la couverture de survie, le téléphone, ou le verre peut être fatale, punissable d’une disqualification. Et s’il y a bien une phase de la course que notre traileur maîtrise à la perfection, c’est bel et bien celle-ci. La check-list était écrite : 2 paires de chaussures, bâtons, ceinture de dossard, barres, compotes, chapeau, chaussettes, k-way, rechanges. Rien n'était laissé au dépourvu, ni même sa crème pour le cul 😊. Les valises bouclées, le grand départ sonné, la famille Brouard, composée de Florence, son épouse de moi-même partait vers la ville alpine. Nous arrivâmes aux alentours de 18 heures, tout juste arrivé à notre logement, il a fallu directement se rendre au village de départ pour récupérer le dossard et assister au briefing de course. Une heure plus tard, c’est avec une petite boule au ventre que nous sommes allés dans un petit restaurant local pour dîner. Bien évidemment, la bière et les pâtes d’avant course n’ont pas été négligé. La nuit tombée sur les montagnes de Courmayeur, tout le monde se coucha, dernier dodo, dernier popo, demain 07 h 00, c’est GO.


Un départ plein de symbolisme


13 juillet, le soleil se lève sur la vallée de Courmayeur, le jour tant attendu était arrivé. Une longue préparation, une grande assiduité pour ce moment, cet instant. Accompagné de son acolyte Katia, Erwin s’élança à la conquête de son rêve, devenir finisher du GT de Courmayeur.

De mon côté, moi et ma mère étions présents pour gérer la logistique de ravitaillement et les encouragements, une longue attente se profilait. Nous avions décidé de suivre nos deux traileurs au kilomètre 15, 32, 65 et 85. Tout était prêt pour soutenir et accompagner le padré dans cette épopée, les fameuses petites bouteilles de st-Yorre, les jambons beurres, en triangles s’il vous plaît et la chaise de camping. Sous chaque grand traileur se cache souvent une femme, comment dire que cette aventure n’aurait jamais pu se faire sans madame Brouard et son gros sac à dos. Tout au long de la journée, nous aussi avons crapahuté dans les sentiers pour pouvoir être présent aux côtés de notre coureur de cœur.





Une course contre soi-même, la beauté de l’ultra-trail


Le soleil régnait en maître sur la première partie de course, effleurant nos visages tout juste réveillés. Il laissait une agréable sensation de chaleur pour nous, les supporters. Au terme des quinze premiers kilomètres, Katia et Erwin formaient toujours un duo, rien à signaler, ils dégageaient une bonne humeur et des sourires communicatifs. Pour l’instant, les jambes répondaient présent, première compote, et le périple pouvait continuer.

Après un dur réveil à 5 h 00 du matin, la dream team de supporters avait mérité leur café en attendant nos deux athlètes au kilomètre 32. Après un peu plus de 6 heures d’effort, Katia fut la première à entrer dans le chapiteau de ravitaillement, suivit de près d'Erwin avec un petit quart d’heure de retard. Ce fût le premier changement de chaussettes, de vêtements, étape cruciale pour éviter un rhume, une hypothermie due à la transpiration et la température qui baissait peu à peu. Dans cette première aire de ravitaillement, les organisateurs avaient mis à disposition des fruits, des gâteaux et de l’eau pour les coureurs. C’est donc avec peine qu'Erwin mangea un petit morceau. Dans ce type d’effort, il est très rare de ressentir la faim, cependant les traileurs se doivent de s’alimenter régulièrement pour éviter une défaillance irrémédiable. Après une pause d’une vingtaine de minutes, ils repartirent. A présent, la plus longue période, sans assistance arrivait pour Erwin, plus de 30 kilomètres en autonomie complète. Ce fut l’un des passages les plus éprouvants pour lui, la fatigue commençait tout doucement à se faire ressentir, les nuages faisaient leur apparition, place à la gestion.

Le temps que notre traileur national effectué ce segment, l’équipe de supporters randonna un long moment pour se positionner à un point clé du parcours, situé aux alentours du 65 -ème kilomètre. Nous étions placés au pied de plus rude montée de la course. Le soleil se couchait et laissait la place à une ardente grisaille. Ma mère et moi savions que cet endroit de la course était primordial pour le mental d’Erwin, il avait besoin de réconfort avant d'entamer l'ascension vers le refuge Berton et attaquer le dernier tiers de course.


C’est après quinze heures d’effort qu'Erwin se présentait devant nous. A notre grande surprise, le sourire et le mental était toujours de vigueur. L’état d’esprit conquérant et déterminé. Il prit de grandes gorgées d’eau pétillante fraîche, mise préalablement dans l’eau du ruisseau par sa sparing partner, Florence. Il se trouvait très proche de son amie Katia, le devançant d’une trentaine de minutes. Toutefois il semblait beaucoup plus frais mentalement et physiquement que son amie. Le début de la longue ascension vers le point culminant figurait comme le début du tronçon nocturne du trail pour nos deux coureurs. Ils leur restaient une vingtaine de kilomètres avant d’arriver sur la base de vie principale du parcours, situé au 84-ème kilomètre. Toujours sûr de ses forces, notre héros de Xonrupt se présenta à cette base de vie à minuit. Il avait parfaitement géré sa montée, le froid et les sentiers techniques de la crête. Néanmoins, c’est le visage marqué et fatigué qu’il mangea ses pâtes et ses fameux TUC sur l’aire de ravitaillement. C’est à cet instant précis que le mental devait prendre le dessus sur le physique, Katia se sentant considérablement à bout de force décida de s’arrêter et abandonner. Quant à Erwin malgré ses mots forts « Si, tu arrêtes, je m’arrête, je suis à bout » repris le fil de la course après que son épouse ait trouvé les mots justes « On n'a pas fait 4 heures de route pour rien, allez, on s’y remet, Vamos ». Il ne lui restait plus que 21 kilomètres à parcourir, entre nuit et lever du jour, son rêve était en train de se réaliser, le succès au bout de ce sentier, vas-y Wiwin fait nous rêver.



La délivrance


Le jour s’était levé sur la jolie petite ville de Courmayeur, après une bonne nuit, je me dirigeai vers l’arrivée, rejoignant ma mère, resté toute la nuit sur le parcours. 09 h 00, nous venions de passer le cap des 26 heures de course, 136 concurrents avaient franchi la ligne d’arrivée quand tout à coup, nous entrevîmes Erwin, plus que 100 mètres, à profiter, exulter et savourer. Toujours en petites foulées, il tenait du bout des doigts l’objectif qu’il s’était fixé. 26 heures et 04 minutes, c’est le temps qui lui a fallu pour boucler les 105 kilomètres Du Grand Trail de Courmayeur. Plus d’une journée de lutte et d’effort. Il termina à une jolie 138 -ème place sur les 350 partants, dont 196 finisher seulement.


Erwin, que dis-je Erwinner, devint ce 14 juillet 2019 ultra-traileur, finisher du GT de Courmayeur


L'ultra trail, plus qu'un sport, plus qu'un hobby, un mode de vie 😉







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